Fiche technique :

Notre avis sur SIMPLE COMME SYLVAIN

Dans Simple comme Sylvain, l’actrice-réalisatrice québécoise Monia Chokri flirt avec le genre de la comédie romantique dans un troisième long-métrage d’une grande réussite, confirmant tout son talent à raconter des histoires à la fois vivantes, perspicaces, drôles et sensuelles.

En 2019, La Femme de mon Frère marque les débuts plutôt encourageants de l’actrice dans les pas de réalisatrice avec un premier film déroutant mais prometteur. Présenté cette fois-ci dans la section Un Certain Regard au festival de Cannes 2023, le film Simple comme Sylvain avait reçu de beaux éloges lors de sa projection, avec une standing ovation de sept minutes de la part du public cannois. Avec son sens de la répartie et de sa mise en scène virtuose, ce nouveau long-métrage offre un véritable délice visuel couplé d’une histoire en somme tout à fait banale, simple comme son titre évocateur, mais débordant de vitalité et de fraicheur.

La question de l’amour reste éternelle chez l’être humain, aussi bien dans la vie que dans l’art. Représenté dans toutes les catégories, il n’est cependant pas aussi facile de croire que tous les amours se valent et se vivent de la même manière. Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) vit en couple avec Xavier (Francis William-Rhéaume) depuis plus de dix ans. C’est un couple d’intellectuel bourgeois. Cependant, si la complicité et l’amour sont présent entre eux deux, il n’en est pas de même dans les actes intimes et physiques du couple où la flamme de la passion est clairement éteinte. Un week-end, Sophia se rend seule dans le chalet d’été qu’elle et son compagnon ont récemment acheté et qui nécessite quelques travaux. C’est là que Sophia rencontre Sylvain (Pierre Yves Cardinal) le charpentier en charge des travaux de rénovation. Beau, brutal, primitif et transpirant la virilité d’un homme qui sait jouer avec ses mains et son physique imposant. C’est le coup de foudre.

Sous l’oeil vibrant et bienveillant de sa réalisatrice, Simple comme Sylvain scrute les hauts et les bas de ce couple si différent et si éloigné de leur monde qu’il en devient presque un film sociétal sur les conceptions et les lois de l’amour : deux êtres si éloignés, totalement différent l’un de l’autre et de mondes parfaitement opposés peuvent-ils être heureux et s’aimer passionnément ? Le désir brûlant et physique est-il le seul dénominateur commun, le moteur de toute relation sentimentale ? La différence de l’un est-il la faiblesse de l’autre, et vice-versa ? C’est globalement les idées générales qui s’en dégage au cours de ce visionnage auquel Monia Chokri s’amuse à répondre avec philosophie, mais sans trop se prendre au sérieux, évitant de tomber maladroitement dans la mauvaise caricature. Son ton léger, enlevé, parfois émouvant et décalé nous fait vibrer, valser et nous renvoie à notre rapport à l’amour et à la définition qu’on lui donne.

En terme de réalisation, la caméra de Chokri capte l’essence même de l’intensité des regards et du désir qui nait sous nos yeux, des beaux comme des mauvais moments d’angoisse où l’amour disparait puis reviens. Des plans magnifiquement orchestrés qui nous rappelle finement un certain Xavier Dolan. Son grain de pellicule et ses couleurs chaudes et orangées nous transporte littéralement dans cette aventure amoureuse, sensuelle, passionnelle, presqu’issu d’un récit épique et romanesque, d’une époque un peu seventies, où se mélange tout une galerie de personnages et de représentations diverses sur l’amour.

Le couple à l’écran formé par Magalie Lépine-Blondeau et Pierre Yves Cardinal déborde d’énergie, de sensualité, et proposent des interprétations sans défaut de leurs protagonistes tour à tour tourmenté et emporté par les affres de cette idylle naissante et improbable.

Accompagnée d’une bande sonore entraînante, Simple comme Sylvain est une belle surprise cinématographique qui assure un avenir radieux pour la suite de la carrière en tant que réalisatrice de Monia Chokri. Il nous rappelle que l’amour est un mystère, un espoir qu’il faut préserver, qu’il est fragile,  indécis et cruel, autant pour les hommes que les femmes. Que certains Grands Amours sont rares, qu’ils doivent être vécus intensément, sans remords, ni regrets. Car ça doit être ça, ce qu’on appelle l’amour ; beau et simple comme la première neige de l’hiver qui nous tombe sur la tête.

Par Rémi Vallier

Crédits photos : Fred Gervais

BANDE-ANNONCE :