Fiche technique :

Notre avis sur SHOWING UP

Showing Up ou comment la Vie nourrit l’Art, comment l’Art imite la Vie.

Ecrit et réalisé par la cinéaste américaine Kelly Reichardt, Showing Up dépeint avec tendresse et lucidité le quotidien d’une artiste sculptrice et plus particulièrement de ses créations, dont elle puise l’inspiration des inhérences banales et chaotiques de son existence.

Ce nouveau long-métrage, présenté au festival de Cannes en 2022, est l’occasion pour la réalisatrice-scénariste de retrouver son actrice fétiche, Michelle Williams, qui marque leur quatrième collaboration depuis leur tout premier film Wendy & Lucy, sortie en 2008. L’actrice de Certain Women campe ici le rôle de Lizzie, une artiste antipathique, pas vraiment heureuse et égoïste qui doit présenter dans quelques jours sa première exposition. Malheureusement pour elle, des événements extérieurs viennent perturber sa tranquillité d’esprit et l’empêchent de travailler sereinement sur les oeuvres qu’elle devra prochainement exposer.

Avec Showing Up, Kelly Reichardt déconstruit habilement le mythe de l’artiste et du génie créatif qui se cache derrière le nom. L’histoire, qui se déroule chronologiquement sur quelques jours avant son vernissage, entraîne le spectateur dans le quotidien solitaire de Lizzie et du chaos environnant qui gravite autour d’elle : un ballon d’eau-chaude qui ne marche plus, un chat qui n’en fait qu’à sa tête, un pigeon malade, une famille de plus en plus dysfonctionnelle. Malgré tout ces petits tracas qui ne nous paraissent pas tout à fait débordant, on comprend rapidement qu’ils deviennent sources d’angoisses en même temps qu’ils sont les fondements  même de son inspiration.

La cinéaste met particulièrement l’accent sur deux aspects distinct de la personnalité d’artiste : à travers le personnage de Jo (interprétée par la géniale Hong Chau), celle de l’artiste libre et entourée, qui se révèle être de nature plutôt instable,  insouciante et qui n’en fait qu’à sa tête. Et de l’autre, celle de Lizzie, l’artiste au tempérament plus renfermer, solitaire et insipide mais qui se dévoile être au final une personnalité beaucoup plus attachante, intéressante et responsable  qu’il n’y paraît. Cette évolution notable fait grandement partie de l’intelligence et la richesse du scénario  co-écrit avec  Jonathan Raymond

La symbolique de l’animal qui occupe pendant un court instant la vie d’un l’artiste est également une partie intégrante de Showing Up. En recueillant bien malgré-elle l’oiseau blessé par son chat dont elle s’était débarrassée, Lizzie transfigure sur cet animal fragile la figure de son mal-être personnel et révèle au spectateur une autre facette de sa personnalité que l’on n’aurait pas soupçonnée. L’autre idée du film provient du fait que l’art reste le médium le plus puissant et le plus accessible pour absorber, matérialiser et transmettre des émotions qui sont parfois hors de notre portée ou de notre propre langage.

A mi-chemin entre le cinéma indépendant américain et le documentaire, la réalisatrice propose un film à la fois clairvoyant et bienveillant sur les affres et pérégrinations de la vie d’artiste qu’on idéalise. La simplicité de sa mise en scène, l’écriture à double sens et le caractère très naturel de ce nouveau long-métrage confirme que oui, Kelly Reichardt mérite amplement son titre de grande cinéaste américaine de notre époque.

Par Rémi Vallier

Photos : Allyson Riggs/A24

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