Fiche technique :

Notre avis sur le film SHE SAID

C’était en octobre 2017 que le New York Times révélait publiquement l’affaire Harvey Weinstein, personnalité influente de l’industrie du cinéma américain, accusé de harcèlements sexuel, d’agressions sexuelles et de viols. Cet article, écrit par deux journalistes du New York Times, Jodi Kantor et Megan Twohey, sera le point de départ d’un effet dévastateur, libérateur et nécessaire sur la question des violences physiques et morales faites aux femmes dans le cinéma et dans la société en règle générale.

Réalisé par Maria Schrader, She Said est un long-métrage académique au rythme soutenu qui se concentre  principalement sur l’investigation compliquée, parfois inextricable et rude de cette affaire, plus que sur les réels enjeux de l’article qui dénonce une  violence omniprésente dans l’industrie du rêve. Mais c’est ce qui fait en partie la force du film qui relate avec beaucoup d’intérêt et une certaine froideur toute la monstruosité des faits qui nous sont présentés, comme des preuves toujours plus accablantes d’une vérité que l’on ne connaît que trop bien. Si la réalisation reste clinique, judicieusement cadrée et millimétrée, c’est pour rester en contraste avec son propos et l’intérêt journalistique de cette affaire. Le scénario, extrêmement bien écrit et mené, quoiqu’un peu loquace et verbeux par moment, nous emmène au coeur de cette investigation passionnante mais néanmoins effroyable. Car la vérité, comme elle nous est présentée,  n’est jamais belle à voir.

Pourtant, alors que le film met en lumière cette histoire ainsi que le combat mené par ces deux femmes journalistes en quête de vérité et d’un besoin évident de faire bouger les choses, il nous fait interroger sur une industrie censée vendre du rêve et des paillettes. Se révélant être au final l’ennemi du bien. Protégeant son monstre géant et ses intérêts, piétinant ces femmes d’un revers de contrats, de clauses de confidentialités, d’argent, de harcèlements puis juste le silence. Et la honte. C’est bien là finalement la cruelle vérité : Tout le monde savait. Mais personne n’a rien fait.

Avec cette histoire, c’est tout un système qui se révèle au grand jour, qui s’expose et implose. Que restera-t-il finalement de tout ça ? Que restera-t-il à ces femmes, victimes de cet homme, qui ont servi pendant des années à entretenir et alimenter ce système hypocrite et réducteur, toxique, principalement sous la coupe de la dominance masculine. Tant de questions qui resteront sans réponses mais qui donnent matière à réfléchir pour l’avenir de demain.

Porter par un duo d’actrice plus que convaincant, Carey Mulligan et Zoe Kazan nous emporte dans leur investigation qu’elles portent à bout de bras avec férocité et courage sans jamais abandonner malgré la pression professionnelle et personnelle que cela implique. En un sens, c’est aussi un hommage au  vrai métier de journaliste et à son absolue nécessité de libérer la parole à ceux qui n’en ont pas dans une ère où ce média pose à présent la question de sa véritable authenticité. Il n’est pas question non plus de savoir si les agissements des uns ou des autres sur cette affaire sont bien ou mal, le but étant de rechercher des preuves toujours plus tangible des faits rapportés afin de faire sortir le monstre du placard.

Bien qu’un peu formel dans sa manière de raconter les faits, She Said reste une oeuvre importante dans la catégorie de film dénonçant les violences et inégalités sociales à un  moment donné de notre histoire. Au même titre que l’inoubliable Erin Brockovich de Soderbergh ou encore le glaçant Spotlight de Tom McCarthy – malgré leurs différentes approches, leur action reste la même. Peut-être sortie un poil trop tôt, surfant sur la vague de l’instant – T, et du besoin de tout déverser dans la marre, ce long-métrage respectueux et puissant réserve des moments intenses et poignants accompagné d’une distribution impeccable. Le film nous rappelle combien il est important aujourd’hui de ne plus fermer les yeux sur ces violences – faites aux femmes comme aux hommes – que chaque combat mené peut-être une victoire si nous prenons la peine de bien nous défendre. Que nous sommes capables, même à notre petit niveau, de faire bouger les choses afin qu’un jour, enfin, vienne le changement.

Par Rémi Vallier.

NOTRE NOTE

BANDE-ANNONCE :