Fiche technique :

Notre avis sur LE DERNIER DUEL

Délire Woke ou Fresque épique ?

Avant même sa sortie, ce film a déchaîné les passions.

Pour certains il allait être le renouveau de la filmographie de Ridley Scott. Ce réalisateur de légende, avec à son actif Alien, le huitième passager, Blade Runner, Gladiator ou encore Mensonge d’Etat, était attendu au tournant, surtout au regard de ses dernières œuvres parfois peu inspirées pour ne pas dire ratées telles qu’Alien Covenant, Exodus ou Robin des Bois.

Pour d’autres, il allait être un énième film « Woke » surfant de façon opportuniste sur le mouvement #meetoo.

Au final, comme souvent, la vérité se trouve dans la nuance.

Ça parle de quoi :

Le dernier duel est l’adaptation d’un livre qui romance un fait divers et judiciaire du moyen âge Français, datant de 1386.

Marguerite de Thibouville, épouse de Jean de Carrouges, écuyer puis chevalier issu d’une famille ancienne et respectée, accusa Jacques Legris, ami et fidèle du Comte D’Alençon, de viol. Le seul moyen de faire éclater la vérité sera d’organiser un duel judiciaire. Le vainqueur étant « choisi par Dieu » est obligatoirement, au regard des lois de l’époque, celui qui dit la vérité. Marguerite étant une femme, elle n’a pas de personnalité juridique propre et ne peut faire valoir ses droits. Ce sera donc son mari qui participera à ce duel.

Ce synopsis trouve évidemment un écho particulier dans notre actualité, certains pays bafouant les droits des femmes comme au moyen âge Français,

Le sujet est fort mais suffit-il à faire un bon film ?

Une réalisation de haut vol, un sans-faute niveau distribution mais une narration et un découpage du scénario qui manquent de rythme

Sur la réalisation, notre cher Ridley n’a pas perdu de sa superbe. Les batailles sont courtes mais intenses, la reconstitution du moyen âge n’est jamais idéalisée et reste dans un ton juste et le duel en question est puissant et stressant. De ce côté-là c’est un sans-faute.

La distribution est excellente, Matt Damon est méconnaissable dans une composition qu’il a peu l’habitude de faire : un personnage parfaitement antipathique mais dont on suit le parcours avec grand intérêt. Adam Driver en Jacques le Gris est parfait. Il incarne un personnage charismatique, séduisant, drôle et pourtant fourbe et sordide. Trop souvent le cinéma n’a représenté les agresseurs sexuels que par des hommes laids et idiots alors qu’ici la monstruosité se cache derrière un masque de charisme. Cela nous démontre tout le talent d’Adam Driver et de Ridley Scott dans la direction des acteurs. Jodie Comer, qui campe Marguerite, est, malgré sa petite expérience d’actrice, du niveau de ses confrères. Elle réussit à nous faire passer de moments tendres et doux à de vrais passages de désespoir, pour finalement nous délivrer un jeu marqué par une détermination à toute épreuve. Les acteurs jouant les personnages secondaires sont aussi au niveau (dont Ben Affleck) avec une mention spéciale pour Alex Lawther qui joue un Charles VI commençant à défaillir et que l’on sent décliner de son premier surnom « le bien aimé » à son second « le fou ».

En résumé, une réalisation au top et une distribution parfaite. Le film doit donc être du même niveau ? Pas totalement, la faute à un découpage qui se trahit lui-même.

Le film est découpé en trois parties : la vérité selon Jean, la vérité selon Jacques et la vérité selon Marguerite. Le concept est intéressant, surtout pour une affaire judiciaire qui fait encore débat. Mais ce procédé souffre de deux problèmes. Premièrement, une répétition de l’histoire qui rallonge inutilement le récit (nous montrer deux fois la même scène de viol – avec juste quelques images en plus – n’était pas nécessaire voire gratuit). Deuxièmement,  il passe parfois à côté d’une construction de personnage qui aurait pu être intéressante (Marguerite sait lire – ce qui était déjà rare pour un homme donc encore plus pour une femme au moyen âge – comment a-t-elle accédé à ce savoir ?). Ce problème aurait pu être oublié si au final le réalisateur ne nous donnait pas une indication claire sur quel récit dit la vérité. En faisant ça, on se demande pourquoi on s’est tapé 2H30 de film avec trois histoires alors qu’une seule compte. Il aurait mieux valu nous laisser des indices et nous laissé en débattre pendant des années ou alors, si le but etait de donner un parole forte à une personne pour reconnaitre, par le biais du film, sa parole, il aurait été judicieux de se focaliser uniquement sur un seul témoignage et l’enrichir encore plus Donc au final, en nous révélant qui dit la vérité, le concept même de découpage par point de vue n’a plus de valeur, dommage et rageant car l’idée était bonne.

Le Dernier Duel, un film woke ?

Toute l’œuvre de Ridley Scott est marquée par le sujet de la masculinité pouvant être toxique et le sujet de l’émancipation féminine. Le père Ridley nous a quand même donné une des plus grande icône féminine du cinéma en la personne de Ripley. Il n’a donc pas surfé sur la vague #meetoo, sa carrière étant déjà basée là-dessus dans une grand partie de ses films. De plus dans les films Woke, la recette est simple : tous les hommes sont mauvais, toutes les femmes sont bonnes. Dans le Dernier Duel ce n’est pas le cas. l’ensemble des personnages, à part Marguerite, ne sont pas positif au final . La société est patriarcale évidemment à cause des hommes, mais aussi à cause d’une grande majorité des femmes qui soutiennent volontairement ou par habitude ce système. Cette approche intéressante montre que Ridley Scott ne construit son œuvre que par son analyse et pas en se basant sur l’influence du moment.

Toutefois nous avons quand même certains problèmes de construction de personnage que l’on retrouve trop souvent dans les films avec une héroïne : Marguerite est parfaite. En effet, elle est belle, sait tout faire mieux que les hommes (lire, gestion du domaine…) sans explication (alors qu’encore une fois, ces compétences n’étaient pas enseignées aux femmes aux moyens âge, si marguerite a eu cet enseignement, il aurait été intéressant de le montrer) et n’obtiendra le soutien d’aucun homme. Dommage, un peu de nuance aurait rendu le personnage encore plus intéressant. Une actrice comme Jodie Comer aurait alors pu avoir une interprétation encore plus marquante.

En conclusion

Le Dernier Duel est extrêmement bien réalisé et met en lumière une affaire judiciaire française importante qui fait écho avec l’actualité mondiale sur le traitement des femmes dans des pays appliquant des règles moyenâgeuses qu’on aurait aimé voir disparaitre depuis longtemps. Il est alors dommage que le choix de narration et la construction du personnage de Marguerite suivent le livre plutôt que la rigueur historique et ne puissent donner à ce film le même niveau que les œuvres majeures de Ridley Scott.

Et pour finir, car j’aime râler, quel dommage que nous soyons incapables en France, de réaliser des films de ce niveau technique sur notre propre histoire et qui a, de plus été filmé en Dordogne… Nous devions sûrement être trop occupés à filmer une énième comédie sur un adultère ou un drame familial vu et revu… Navrant.

 Critique de Grégory C..

NOTRE NOTE