Fiche technique :

Notre avis sur TOXIC CASH

Toxic Cash (Body Brokers dans sa version originale) est un film mélangeant habillement thriller et drame social, démontrant une fois de plus toute la supercherie du rêve américain où le malheur des uns enrichi le compte en banque des autres.

Ca parle de quoi :

Utah (interprété par le flegmatique Jack Kilmer) et Opal (Alice Englert) sont deux jeunes toxicomanes en couple qui vivent de petits braquages et prostitution pour subvenir à leur dose quotidienne de crack. C’est alors que leur chemin croise par hasard celui de Wood (Michael K. Williams) un ancien toxicomane d’un certain âge. Après leur avoir offert à déjeuner avec les conversations d’usages, ce dernier à très vite cerné le couple et leur propose son aide afin de les sortir de cette situation et de soigner leur dépendance à la drogue. Alors qu’Opal est plus que réfractaire au discours de cet homme étrange venu les aborder aussi facilement, Utah, lui, semble plus enclin à la possibilité de se soigner afin d’opérer un changement radical de vie. Si la main tendue de Wood, apparu tel un ange gardien, semble être un cadeau du ciel permettant à Utah de se sortir de cette addiction, derrière cette action généreuse se cache une vérité beaucoup plus sombre qui vient transformer la beauté du geste en un acte monstrueux.

Une réalité inconfortable et dérangeante

Avec son aspect clinique et aseptisé, dans un style proche du documentaire, le réalisateur John Swab dépeint avec un réalisme glaçant le profit s’élevant à plusieurs milliers de dollars qui est fait sur le dos de millions de toxicomanes aux Etats-Unis. Suivant le parcours d’Utah, de sa phase de désintoxication à sa sobriété, c’est par le biais de son sauveur, Wood, qu’il apprendra son nouveau métier d’escroc : celui de Body Brokers, qui est en charge de « recruter » de nouvelles personnes aliénées par la drogue afin de remplir des centres de désintoxication. Ces derniers se remplissent les poches par des soins entièrement pris en charge par l’état américain et qui sert à enrichir toujours plus ses acteurs principaux qui les font vivre. Et pour ceux qui, comme Utah, n’ont pas d’assurance médicale, ne vous en faites pas ! Des gens comme Wood sont là pour vous placer sous leur couverture sociale. Bien évidemment, tout cela est complètement légal, car toutes les assurances santé en Amérique sont dans l’obligation de prendre en charge des personnes atteintes de toxicomanie. Et bien sûr, les toxicomanes eux-mêmes participent à cette supercherie, plus par la nécessité du profit qu’ils empochent en étant complices que par la conscience morale face à cet engrenage infernal dont ils sont eux mêmes esclaves et qui les fait de nouveau basculer à l’intérieur de ce système. Toute la question ne se porte plus sur les valeurs morales et humaines ou tout naturellement d’aider son prochain mais il s’agit simplement de s’enrichir toujours plus sur le malheur des autres.

De la colère à la frustration, en passant par l’incompréhension totale de ce rouage inhumain transformé en véritable fond de commerce, le film n’épargne pas le spectateur, au contraire, il lui fait l’affront de voir une réalité inconfortable et dérangeante malgré l’image léchée et ensoleillée de la Californie où tout semble possible et paradisiaque, avec ces centres de désintoxication aussi luxueux qu’un hôtel cinq étoiles. A travers l’histoire d’Utah qui devient, au comble de l’ironie, lui-même acteur de cette ignominie, on en découvre un peu plus sur les rouages et ficelles de ce système sans fin possédant même des bureaux où des employés sont chargés par téléphone de dégoter des potentiels « clients ». Tout cela est accompagné d’une voix en off qui nous décrit avec précision et sans langue de bois chaque étape et chaque gain en dollars que représente (et rapporte) un toxicomane durant sa cure de désintoxication. Frank Grillo, qui joue avec beaucoup de charisme et de dangerosité le rôle de Vin Holler, gourou et fondateur d’un de ces centres de désintoxication, amène à lui seul un aspect encore plus monstrueux et sans scrupule face à toute cette machination. Dommage que son personnage ne soit pas plus présent et travaillé car il crève véritablement l’écran par sa présence et son rôle stéréotypé d’homme blanc américain qui a réussi dans la vie malgré son passif tumultueux. Une fois de plus, le réalisateur arrive parfaitement à caricaturer avec ce personnage le fameux rêve américain que ces citoyens raffolent et qui d’une certaine manière contribue à entretenir le mythe.

En conclusion

De son début sous forme de publicité idyllique jusqu’à sa fin qui retentit comme un silence de mort, John Swab aura réussis sans peine à mettre le spectateur mal à l’aise en lui donnant ce sentiment de révolte qui le parcours tout au long du film face à cette terrible entreprise qui s’enrichit sur l’un des pires fléaux humain. Avec un casting impeccable où chacun trouve un rôle à sa mesure, servis par la justesse d’une mise en scène quasi-documentaire, mais assez proche d’un film indépendant, Toxic Cash réussi son tour de force en présentant une énième facette toujours plus sombre d’une Amérique fantasmée, celui où le capitalisme n’est pas de guérir ceux qui souffrent, mais bien au contraire d’en exploiter tout son potentiel économique. La misère humaine, ça rapporte.

 Critique de Rémi V.

NOTRE NOTE