Fiche technique :

Notre avis sur SIDONIE AU JAPON

Au pays du soleil levant où les non-vivants vivent parmi les vivants, une étrangère perd peu à peu ses repères et se retrouve malgré elle confrontée aux fantômes de son passé. Voyage initiatique, poétique, ce troisième long-métrage d’Elise Girard nous démontre que le cinéma d’auteur(e) peut encore faire ce qu’il y a de plus beau ; savant mélange de subtilités et de délicatesses sur la réflexion et la beauté du monde et des complexes et paradoxes de ceux qui les habitent. Sans se départir d’une certaine légèreté, Sidonie au Japon est un authentique haïku visuel qui ravira une poignet de spectateurs appréciant la poésie lyrique à travers les maux de ceux qui les expriment.

La ressortie de son premier roman force littéralement Sidonie (Isabelle Huppert) à se rendre au Japon. Sur place, elle fait la connaissance de son éditeur, Monsieur Kenzo Mizoguchi (Tsuyoshi Ihara), un homme étrange et taciturne. Chaperonné par ce dernier, Sidonie va peu à peu découvrir un univers à la fois fascinant et déconcertant. Mais lorsque le fantôme de son défunt mari lui apparaît soudainement, dans ce pays où les esprits cohabitent naturellement avec les vivants, elle comprend peu à peu qu’il est temps de laisser derrière elle les déchirures et les traumatismes du passé, pour accepter, enfin, de vivre. Beau et d’une grande sensibilité, le film traite du deuil, de la douleur de ceux qui partent pour ceux qui restent, de la souffrance qu’on s’évertue à vouloir garder en nous comme le seul rempart à notre existence.

Plus qu’une invitation au voyage, c’est une véritable plongée dans la culture nippone que nous offre sa réalisatrice, hommage à un pays qui ne ce cesse de passionner et d’émouvoir, qui s’invente et se réinvente au grès de l’imagination de chacun mais qui reste un immense mystère pour les pauvres occidentaux incrédules que nous sommes.

Elise Girard nous propose un film respectueux des traditions ; classique mais entraînant, des plans fixes, parfaitement cadrés avec une caméra qui sait esquisser de magnifiques panoramas quand il s’agit de nous perdre dans la contemplation de ces somptueux paysages japonisant. Une aura étrange et surnaturelle se mélange parfaitement à l’ambiance fantasmagorique du film. Le récit est finement construit, avec un phrasé comme on l’entend rarement aujourd’hui, rappelant l’importance des mots dans un monde qui perd peu à peu son langage à communiquer. Si cela peut sembler par moment exagérer, parfois même a en devenir une mauvaise caricature du genre, tout cela est vite balayé par sa mise en scène appliquée qui rappellera sans doute aux amoureux du cinéma une ambiance très Rohmérienne.

Ne présentons plus Isabelle Huppert comme une grande actrice du cinéma français mais comme LA grande Dame du cinéma français. Véritable caméléon du septième art, les choix de rôles de la comédienne continue d’étonner et de nous surprendre ; preuve qu’elle a su se réinventer tout au long de sa carrière en prenant le risque de n’être jamais là où on l’attend. L’interprétation de Sidonie émeut par sa complexité, son chagrin qui déborde dans son regard et de sa démarche, perchée au bord d’un désespoir qui nous est perceptible. Rendons également grâce à son partenaire de jeu, l’acteur Tsuyoshi Ihara qui, en plus d’avoir appris phonétiquement les dialogues en français, propose un personnage à la fois inaccessible mais terriblement touchant.

Sidonie au Japon se révèle être au final une oeuvre cinématographique à part entière qui, malgré son propos sombre porte en lui l’espoir solaire d’une renaissance. Comme une carte postale que l’on reçoit chez soi et qui invite à la curiosité, il rappelle l’importance de faire voyager le spectateur au sein même d’une salle de cinéma. En un sens, la réalisatrice parvient sans grand mal à nous faire vivre l’expérience de Sidonie et de son singulier périple dans un pays que l’on croit connaître mais qui a tout à nous apprendre. A la fin de la séance, c’est bel et bien une sensation étrange qui emplit le spectateur, comme si le film lui même avait apporté paix et sérénité, telle une force surnaturelle ayant apaisé les maux enfuis en chacun de nous. N’est-ce pas une façon un peu naïve de croire que c’est ça, la magie du cinéma ? Où tout simplement que les cerisiers sont en fleurs ?

Par Rémi Vallier

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Crédits photos : Art House films

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