Fiche technique :

Notre avis sur JULIE (EN 12 CHAPITRES)

Julie ou les tourments d’une jeune femme de son époque

Dès les premières minutes de son film, baptisé sobrement Prologue, Joachim Trier dresse le portrait d’une jeune adulte moderne qui peine à savoir ce qu’elle veut vraiment faire de sa vie. A la manière d’une girouette, sans jamais s’arrêter, Julie remet sans cesse en cause ses désirs, ses envies, ses projets avec cette sensation étrange d’en attendre toujours plus sans qu’il ne se passe rien. Que ce soit dans ses études, son métier ou plus particulièrement ses relations amoureuses, Julie est incapable d’aller au bout des choses, se lasse vite et préfère renouveler volontairement ces sensations euphorisantes des premières fois, celle où tout est beau, tout est rose, tout est nouveau. C’est alors qu’elle rencontre Aksel, de quinze ans son ainé, auteur reconnu de bande dessiné. Avec lui, Julie trouve une certaine stabilité qu’elle ne connaissait pas et semble s’épanouir pleinement dans cette relation plus adulte. Mais viens inévitablement les questions que chaque couple se pose au bout d’un certain temps de relation : les enfants, les projets d’avenir commun. Pour Julie, ces questions-là ne sont que de l’incertitude en plus à rajouter dans sa vie, elle qui est un esprit libéré, avide de liberté. Lors de la soirée de lancement de la nouvelle BD d’Aksel, Julie s’éclipse discrètement, mélancolique, erre dans la rue et finit par s’incruster dans une soirée célébrant un mariage où elle fera la rencontre du beau Eivind dont l’alchimie est immédiate, résonnant comme un appel au secours. Cette nouvelle rencontre redonne une fois de plus à Julie le prétexte de tout détruire pour tout reconstruire, ailleurs et toujours dans l’attente constante de quelque chose qui n’arrivera pas.

Une réalisation aérienne, une structure scénaristique et une mise en scène soignée,

Joachim Trier signe ici une réalisation légère, surfant presque sur la comédie romantique à certain moment mais qui n’oublie pas, pour notre plus grand plaisir, de nous régaler de quelques scènes mémorables, magnifiquement mises en scène. A la manière d’une héroïne de BD qui court pour remonter le temps, le réalisateur sublime cet instant de grâce entre deux amants qui se retrouvent pour échanger, à l’ombre du temps suspendu, leur premier baiser. Une jolie façon de romantiser ce dernier pour donner l’illusion d’un moment parfait et romanesque digne d’un grand roman d’amour.

Structuré comme un livre, en différents chapitres comprenant un prologue et un épilogue, Julie (en 12 chapitres) suit de de façon linéaire le parcours de cette jeune-femme en quête de liberté qui va apprendre à ses dépends à devenir adulte et à s’affirmer dans ses choix. Si certains chapitres sont plus court que d’autres, assez inégaux par moment, il permet au téléspectateur de souffler et de découvrir l’évolution de Julie sans baisser le rythme de la narration.

On saluera la prestation très juste et remarquer de Renate Reinsve dans le rôle de Julie, dont la palme d’or d’interprétation féminine était largement méritée. Avec son sourire  gracieux mais faussement naïf, l’actrice tire de son personnage, à la fois égoïste et instable, quelque chose de doux et de charmeur qui la rend attachante malgré ses agissements ou sa façon d’être qui peut être parfois irritante ou incompréhensible pour le spectateur. Mais c’est ce qui fait tout aussi bien la beauté comme la laideur du personnage qui comme chaque être humain sur Terre, fait des erreurs et se construit sa propre expérience sur son vécus personnel.

Une époque où chacun se cherche, se perd pour mieux se (re)trouver

Dans un lyrisme emprunt de nostalgie, Joachim Trier peint comme décor de fond une société auto-centrée et individualiste, qui ne sait pas toujours quelle direction prendre. Dans un monde qui évolue sans cesse, où les règles changent constamment, on peut être n’importe qui car tout est remplis d’infinies possibilités. C’est une génération qui court à travers la quête de l’identité d’être ou ne pas être, ce besoin urgent de vivre alors que le temps, finalement, nous n’avons que ça. Nous ne savons tout simplement pas comment  l’utiliser. Au fond, Julie est un personnage auquel homme comme femme peut s’identifier, peu importe l’expérience qu’il ou elle a vécu. La quête d’identité, de nos désirs et de nos rêves fait partie intégrante de notre existence et le réalisateur nous le rappelle subtilement par le biais de son héroïne et de ses relations amoureuses qui la font grandir.

Epilogue : la sagesse s’acquiert par les expériences bonnes ou mauvaises de la vie

Julie (en 12 chapitres) est un film doux-amer qui retrace avec justesse le récit initiatique de cette jeune femme à l’existence saccadée en proie aux questions et réflexions de son époque. Si par moment le personnage de Julie peut agacer ou exaspérer, à d’autre moment elle parviendra à toucher le spectateur par sa vulnérabilité et son charme naïf. L’acteur Anders Danielsen Lie qui joue le rôle d’Aksel apporte une vision plus mature et raisonnée sur les choix de vie de Julie et donne une prestation tout en sobriété délivrant une introspection intéressante sur le temps qui passe et les bouleversements apportés par sa relation avec elle. Le réalisateur signe une oeuvre qui donne matière à réflexion sur nos attentes parfois irréalistes par rapport à la réalité, sur notre soif de bonheur rappelant que c’est aussi l’expérience et l’âge qui apportent la sagesse suffisante pour trouver sa propre voie et ne pas refaire les mêmes erreurs du passé.

 Critique de Rémi V.

NOTRE NOTE