A MAN (2022) – Critique

A MAN (2022) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur A MAN

Saluée par la critique, avec notamment plusieurs récompenses attribuées lors des Japan Academy Prize en 2023, A Man (en V.O. Aru Otoko), réalisé par Kei Ishikawa, est un long-métrage brillant, intelligent et pleinement maîtrisé où se dévoile une autre facette beaucoup plus sombre du pays du soleil levant, alternant successivement entre thriller et drame sociétal.

hatsu est l’expression courante qu’utilisent les japonais pour désigner ceux qui disparaissent, ceux qui « s’évaporent ». Un véritable phénomène de société qui pousse environ 100 000 Japonais par an à tout abandonner derrière eux sans laisser de trace. Kei Ishikawa qui adapte le roman de Keiichirō Hirano reprend forcément les bases et le thème dans A Man. Lorsque Rie apprend que son mari récemment décédé n’était pas celui qu’il prétendait être, elle engage un avocat afin de découvrir la véritable identité de ce dernier. Si l’histoire présage une énigme vertigineuse et tumultueuse, le film joue souvent sur l’aspect réaliste et classique de l’affaire : celle d’une identité volée, oui, mais pourquoi ? Au travers de cette question que se pose chaque personnage, le spectateur est embarqué dans cette troublante enquête et ouvre un peu plus le regard sur une société nippone où le déshonneur est finalement le pire des crimes qui peut-être commis.

Cela commence par la magnifique mise en scène d’une rencontre : celle de Rie (Sakura Andô) et Daisuke (Masataka Kubota), deux êtres frêles et fragiles que la vie n’a pas épargné. D’un amour timide, mais naissant, ils se livrent l’un à l’autre, sans artifice, naturellement. De cet amour nait une vie de famille, une vie paisible accompagnée de ces bonheurs simples et quotidiens. Puis, Daisuke meurt brutalement, laissant derrière lui Rie et leur deux enfants dans une grande tristesse. Mais la visite du frère de Daisuke vient perturber quelque peu les certitudes de Rie quand ce dernier lui annonce que la personne sur la photo de l’autel n’est pas Daisuke Taniguchi. Perdue et confuse, Rie engage alors un avocat, Akira Kido (Satoshi Tsumabuki) afin de connaître la véritable identité de son défunt mari. Au cours de l’enquête et de ses investigations, Akira Kido est lui-même confronté à sa propre identité, au racisme de ses origines coréennes et aux interrogations auxquelles la société nous rappelle constamment : qui doit-on être et quel honneur devons-nous sauvé ?

Tout au long du film, le réalisateur s’empare de son sujet et ouvre le regard sur un phénomène beaucoup plus important et vaste qu’on ne pourrait le croire, et plus particulièrement au Japon où la culture dominante est celle d’honorer son travail, sa famille et son pays. Mais que se passe-t-il quand cette obligation d’honneur n’est pas remplie ? C’est là où le personnage d’Akira Kido, au travers de son enquête, nous questionne, nous confrontant à nos injonctions dont nous sommes aussi esclaves. Quelles soient personnelles, professionnelles ou sociétales, chacun peut ressentir ce désir, cette idée obsessionnelle de tout quitter, d’échapper à son propre destin ou à une certaine fatalité. En ce sens, l’œuvre d’Ishikawa est un brillant miroir de nos facettes cachées, brisées, personnifiées.

Oeuvre qui porte sur la question de l’identité, A Man est une réussite totale, saisissante, sensible avec une remarquable mise en scène, traitant sans fard d’un sujet encore bien présent et tabous dans l’archipel nippon. Sa signature visuelle et son esthétisme élégant, traversés par des magnifiques lumières aux plans détaillés, ses interprétations sans failles des acteurs qui sonnent juste du début à la fin achèvent de parfaire ce petit bijou cinématographique, pouvant directement se hisser dans le rang des réalisateurs japonais à suivre de très près. Kei Ishikawa rend, d’une certaine manière, hommage à tous ces évaporés, comme pour leur laisser la place d’exister dans une société qui les rejette mais qui ne les a pas complètement oubliés. Au fond, et comme le suggère le plan final, nous sommes tous coupables et capables de changer d’identité quand notre survie en dépend. Mais n’est-ce pas faire honneur à soi et aux autres que de faire tomber une bonne fois pour toute notre masque d’imposteur ?

Par Rémi Vallier

Copyright 2022 A Man Film Partners / Hanabi

Crédits photos : Art House films

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LONGLEGS (2024) – Critique

LONGLEGS (2024) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

LONGLEGS

Longlegs est un film américain réalisé par Oz Perkins. C’est un thriller flirtant avec l’horreur

Lee Harker, nouvelle recrue du FBI, se voit confier une affaire non résolue sur un tueur en série surnommé Longlegs. La particularité de ce tueur est qu’il ne tue pas directement ses victimes, mais qu’il les fait s’entretuer. Les liens du tueur avec l’occultisme et le fait qu’il semble également lié à l’enquêtrice vont entraîner Lee dans une enquête dont elle pourrait sortir transformée à jamais.

Ce film est prenant, terrifiant et oppressant. Dès les premières minutes, on a le souffle coupé et on reste en apnée pendant tout le film. Nicolas Cage est hallucinant dans le rôle du tueur ; c’est peut-être une de ses meilleures prestations, même s’il apparaît très peu. Mais chacune de ses scènes est particulièrement marquante.

La fin ambiguë et l’explication finale de l’intrigue risquent de diviser, mais l’auteur de ces lignes a été vraiment convaincu par le film.

 

Par Grégory Caumes

|Copyright Neon

NOTRE NOTE

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POMPO THE CINEPHILE (2024) – Critique

POMPO THE CINEPHILE (2024) – Critique

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Notre avis sur le film

POMPO THE CINEPHILE

Enfin, la France peut découvrir cette pépite d’animation qu’est Pompo the Cinéphile.

Réalisé par Takayuki Hirao, ce film d’animation japonais nous conte le destin de plusieurs personnages autour de la réalisation d’un film.

En effet, Pompo est une productrice qui gagne de l’argent en produisant des films de série B à succès, mais frôlant régulièrement le nanardesque. Elle décide toutefois d’écrire un scénario sérieux, profond et même très personnel. Pour cela, elle va choisir comme réalisateur son assistant, passionné de cinéma mais novice en matière de réalisation, et comme actrice principale, une jeune femme qui loupe tous ses castings. Vont-ils réussir à réaliser leurs rêves par le biais de ce futur film ?

Pompo the Cinéphile est un film ultra positif, certes un peu naïf, mais qui fait tellement du bien. C’est une déclaration d’amour au cinéma, une ode au 7e art. Les personnages sont tous touchants, intéressants et bien écrits ; le personnage de Pompo peut paraître un peu caricatural, mais au final, son histoire est vraiment touchante. L’animation est magnifique et montre à quel point le Japon reste un modèle dans le genre.

Pompo the Cinéphile est aussi un message d’espoir, donne l’envie de se dépasser pour réaliser ses rêves. Si vous aimez le cinéma, ce que nous ne doutons pas, foncez voir Pompo the Cinéphile.

 

Par Grégory Caumes

|Copyright 2020 Shogo Sugitani / Hanabi

NOTRE NOTE

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LOVE LIES BLEEDING – Critique

LOVE LIES BLEEDING – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film LOVE LIES BLEEDING

Love Lies Bleeding est un thriller romantique néo-noir réalisé par Rose Glass à partir d’un scénario qu’elle a coécrit avec Weronika Tofilska, et mettant en vedette Kristen Stewart, Katy O’Brian, Jena Malone, Anna Baryshnikov, Dave Franco et Ed Harris.

Le scénario :

Lou (Kristen Stewart), gérante solitaire d’une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie (Katy O’Brian), une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner, malgré elles, dans une spirale de violence.

L’oeuvre en question :

Le film est un mélange de plusieurs genres. En premier lieu, nous avons un film presque documentaire sur la vie des Américains dans des villes pauvres et reculées, où le sport (ici le culturisme) est parfois la seule échappatoire et la seule ouverture sur le monde extérieur. Le récit part aussi sur l’enquête policière et même le thriller autour de l’excellent Ed Harris en mafieux local. Et nous avons, au final, la romance entre Lou et Jackie avec le monde entier comme ennemi.

En conclusion

Le film est intéressant dans sa réalisation, mais risque de perdre certains spectateurs à cause de l’enchaînement des thèmes et d’une fin difficilement lisible. Toutefois, cet ovni cinématographique pourra vous happer dans son atmosphère étrange. Il montre une Amérique que l’on voit si peu au cinéma et porte un message féministe fort de reprise en main de sa destinée.

 

Par Grégory Caumes

|Copyright Metropolitan FilmExport

NOTRE NOTE

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LE COMTE DE MONTE-CRISTO – Critique

LE COMTE DE MONTE-CRISTO – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

LE COMTE DE MONTE-CRISTO

Adapter une œuvre majeure comme Le Comte de Monte-Cristo au cinéma est toujours un pari difficile, étant donné le grand nombre d’adaptations déjà réalisées. Pourtant, le film de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, avec Pierre Niney en tête d’affiche, réussit parfaitement son pari et va même plus loin en devenant la meilleure adaptation de l’œuvre au cinéma.

Rappel du scénario

Edmond Dantès touchait du doigt le bonheur absolu. Il était sur le point d’épouser la belle Mercédès, venait de devenir capitaine de bateau, et se pensait entouré d’amis. Pourtant, il sera trahi par certains de ses proches. Accusé à tort de vouloir le retour de Napoléon Bonaparte, il sera enfermé et laissé pour mort aux yeux de ses proches. Toutefois, il rencontrera un vieux religieux qui lui léguera un trésor conséquent. Avec cela, et sous le nom du Comte de Monte-Cristo, il lancera implacablement sa vengeance au risque de se consumer lui-même.

Une réussite absolue :

Pour adapter une telle œuvre, il faut évidemment prendre certaines libertés avec l’intrigue, et les scénaristes ont été très bons pour moderniser le récit sans le dénaturer, délivrant ainsi le message du roman tout en le rendant encore plus pertinent. Ce scénario est superbement servi par un casting parfait à tous les niveaux. Et que dire de la prestation de Pierre Niney, si ce n’est qu’il est fait pour ce rôle et qu’il est sûrement la meilleure incarnation de Dantès/Monte-Cristo. La réalisation est également admirable et d’un niveau « hollywoodien » (dans le bon sens du terme).

En conclusion

C’est sûrement un des meilleurs films français de ces trente dernières années. Si vous ne devez voir qu’un film cette année, allez voir Le Comte de Monte-Cristo : c’est une réussite absolue.

 

Par Grégory Caumes

Copyright 2024 CHAPTER 2 – PATHE FILMS – M6 FILMS – FARGO FILMS

NOTRE NOTE

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LE GRAND MAGASIN (2023) – Critique

LE GRAND MAGASIN (2023) – Critique

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Notre avis sur LE GRAND MAGASIN

Dans la lignée de ses prédécesseurs – le grand Hayao Miyazaki et Satoshi Kon dont il fut le collaborateur – Yoshimi Itazu signe avec Le Grand Magasin une fable visuelle richement colorée et douce sur les travers d’une jeune apprentie concierge d’un grand magasin, où les clients sont tous des animaux et dont elle doit répondre à tous leurs besoins.  Une oeuvre enchanteresse, au message sous-jacent, qui réjouira les petits et grands enfants voulant retrouver un peu de douceur et de magie.

Non, vous ne rêvez pas : les animaux aussi sont des consommateurs aguerris ! Dans Le Grand Magasin, c’est toute une galerie de personnages loufoques et réalistes dont leurs apparences animales se confondent souvent avec la notre, propre reflet de notre société de consumérisme et de notre besoin pathologique à vouloir plus. Perdu dans ce grand magasin au milieu de nulle part, où se regroupent tous les besoins de nos chers amis les bêtes, Akino est une jeune apprentie concierge qui tente tant bien que mal de prendre son rôle à coeur : servir ses clients, leur redonner le sourire en répondant présent à leurs demandes et leurs attentes – parfois burlesques, ou malencontreusement déstabilisantes. Mais la jeune apprentie, qui commet gaffe sur gaffe, réalisera peu à peu que le sens caché de son métier réside dans sa capacité à voir au travers de ce que veut réellement le client.

En même temps qu’il nous ravit par sa fresque crayonnée, aux contours si fin qu’il souligne ses couleurs éclatantes et sa délicate lumière auréolée, Yoshimi Itazu rappelle dans sa forme la plus simple et imagée que l’avenir des animaux dépend aussi de notre faculté à voir bien au delà de ce qu’on peut espérer pour l’avenir. Veut-on voir l’extinction animale de plus en plus présente et irréversible arriver ? Il est clair que cette oeuvre animé à la fois touchante et drôle sait épingler les petits – et grands – travers des humains, qui ne cessent de vouloir toujours plus, sans croire qu’il n’a aucun impact sur son environnement présent et futur.

La volonté du réalisateur est bien évidemment de mettre en lumière la bienveillance, l’humanité et l’intelligence de l’humain à pouvoir cohabiter avec d’autres semblables – les animaux en l’occurrence – et que leurs besoins primaires sont aussi les nôtres, que nous devons aussi bien les respecter que les comprendre. Akino, qui dans ses tentatives  ratées ou réussies de satisfaire ses clients, cherche toujours à vouloir faire mieux et à comprendre réellement les enjeux de sa fonction au sein de ce Grand Magasin. Parfait exemple de ce que l’on peut entreprendre si nous sommes un tant soit peu capable de réfléchir, une belle note d’espoir  et d’onirisme qui vient directement parfaire le propos de l’oeuvre.

Avec sa pléiade d’animaux endimanchés, ses situations rocambolesques, son humour omniprésent, son ton léger et bon-enfant, Le Grand Magasin est l’oeuvre qui fait cadeau à son public de tout âge d’une belle leçon d’humanité. Sans être au niveau d’un immense Miyazaki, Itazu souligne avec nuance et subtilités ses thèmes de prédilections : l’Homme, la Nature et tout ce qui  a trait de l’imaginaire et du fantastique. En une heure dix seulement, l’oeuvre du réalisateur parvient à nous émouvoir et à nous faire rire tout en donnant sens à ce qu’il souhaite nous transmettre : voir plus loin, sans perdre de vue ce qui nous tiens à coeur.

Par Rémi Vallier

Crédits photos : Art House films

|Copyright 2023 Tsuchika Nishimura – Shogakukan – The Concierge Film Partners

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