EGOIST (2025) – Critique

EGOIST (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

EGOIST

Première oeuvre à s’exporter hors des contrées nippones jusque dans nos salles, Egoist à la saveur particulière des films japonais où se mêlent comme toujours douceur et sensibilité. Réalisé par Daishi Matsunaga, ce long-métrage aux multiples lectures répond à la douloureuse question de la place de l’homosexualité au pays du soleil levant. Une romance entre deux hommes décomplexée servant un récit poignant.

Kosuke Saito à tout du garçon qui a réussi : beau, sophistiqué, travaillant dans le milieu de la mode, gagnant bien sa vie et avec à la clé un bel appartement. Seule ombre au tableau : son homosexualité – sujet tabou dans son pays – et une solitude traînante qu’on perçoit chez lui jusqu’au minimalisme de son appartement. Sa rencontre avec le déterminé et enjoué Nakamura Ryûta, son jeune coach sportif, plonge les deux hommes dans une passion inattendue très rapidement réfrénée par le quotidien et les responsabilités pesantes qui pèsent sur Ryûta. Prêt à tout pour le garder près de lui, Kosuke finit par lui proposer un marché.

Au travers de cette histoire d’amour universel, dans un pays baigné par le traditionalisme et le devoir, Matsunaga-san relate le parcours du combattant pour ses deux protagonistes face à l’adversité du monde et des injonctions que la société nippone leur impose. Entre amour, argent et traditions ancestrales, difficile pour ces deux tourtereaux de trouver un équilibre. Malgré son titre évocateur, Egoist n’est pas qu’un adjectif qualifiant son personnage mais une suite de désirs, d’envies et de pensées intériorisées, réprimés, pour servir une communauté aux règles bien établies. Sans vouloir politiser son propos, le réalisateur renvoie une image du Japon écornée, plus lente en ce qui concerne l’avancement de la question des droits LGBT et leur visibilité. La deuxième partie du film est également l’occasion d’amorcer en profondeur un autre sujet : l’importance de la famille choisie ou non, et son besoin/devoir essentiel d’en prendre soin malgré un rapport à l’individualité de plus en plus progressif.

Avec ses deux acteurs principaux d’une justesse remarquable, une réalisation tout en délicatesse et naturelle, la nouvelle trouvaille du cinéma asiatique exprime des maux au service d’un art qui trouvera, fort heureusement, toujours sa place. Sans être larmoyant, Egoist nous fait verser quelques larmes crépusculaires, à l’ombre des regards, tantôt bercé par sa poésie cruelle que la beauté délicate d’un amour impossible mais pourtant si beau.

Par Rémi VALLIER

|Copyright 2023 Makoto Takayama,Shogakukan_TokyoTheatres Co Inc, NIKKATSU CORPORATION,RIGHTS CUBE Inc,ROBOT COMMUNICATIONS Inc

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DEMON SLAYER: KIMETSU NO YAIBA (2025)

DEMON SLAYER: KIMETSU NO YAIBA (2025)

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Notre avis sur le film

DEMON SLAYER: KIMETSU NO YAIBA –

LA FORTERESSE INFINIE (Film 1)

Préambule : Demon Slayer, le shonen mélancolique

Demon Slayer est à la base un manga qui raconte l’histoire de Tanjiro, un jeune homme vivant dans le Japon de l’ère Taishō. Confronté à une tragédie, il devra rejoindre les rangs des pourfendeurs, une société secrète dédiée à l’éradication des démons et à la traque de leur créateur, Muzan.

Si le pitch de départ peut sembler classique, l’œuvre se distingue par un ton profondément mélancolique. Héros comme antagonistes portent un passé tragique, et les combats, à la fois physiques et psychologiques, basculent souvent grâce à ce dernier aspect. C’est cette singularité qui fait toute la force de Demon Slayer dans l’univers très concurrentiel des shonen.

Ce qui a propulsé ce manga au premier plan, c’est son adaptation en animé par le studio Ufotable, prouvant une fois de plus que le Japon domine l’art de l’animation. Fort du succès de la série (disponible sur Netflix et Crunchyroll), le studio a choisi de conclure la saga avec une trilogie de films, dont le premier, récemment sorti, rencontre un immense succès en salles.

Une oeuvre pour les fans

Soyons clairs : ce film s’adresse avant tout aux fans de la saga. Suite directe de la dernière saison, il plonge le spectateur dans l’action sans rappeler le contexte. Pour en profiter pleinement, il est indispensable d’avoir vu les saisons précédentes. Il s’inscrit parfaitement dans la continuité de l’œuvre.

Une animation et une bande-son qui méritent l’IMAX

Ce qui frappe d’emblée, c’est la qualité de l’animation, inégalée, repoussant encore les limites déjà élevées de la série. Le film préserve la richesse visuelle de la 2D traditionnelle, agrémentée de touches de 3D discrètes mais efficaces. Il offre une véritable leçon à une industrie souvent tentée par le full CGI, au risque de perdre l’âme de l’animation. C’est un chef-d’œuvre technique, mais aussi une œuvre qui brandit l’art japonais comme étendard d’excellence. Les combats y sont épiques, et les moments plus intimes, sublimés. La bande-son et l’environnement sonore, quant à eux, surpassent même les meilleurs instants de la saga.

Si l’occasion vous est donnée de le voir en IMAX, saisissez là : l’expérience en vaut vraiment la peine.

Une histoire qui touche en plein coeur

Pourquoi un tel succès pour ce film, et pour la saga en général ? Ce n’est pas seulement grâce à son animation, mais aussi à la puissance de ses messages. Le schéma narratif reste classique – combat, flashback, dénouement (surtout dans l’affrontement principal) –, mais les trois combats du film, inégaux en durée, poussent les thèmes chers à l’œuvre à leur paroxysme : l’honneur, la reconstruction après un drame, le sacrifice pour une cause plus grande que soi, le pardon, la transmission… Tous ces sujets sont traités avec une émotion qui ne manquera pas de vous toucher.

En conclusion

Ce film est une réussite, car il reste fidèle à l’esprit de l’œuvre originale. En assumant son héritage et en portant haut ses valeurs, Demon Slayer : La Forteresse Infinie confirme une fois de plus que l’animation japonaise règne en maître en matière de qualité.

 Par Gregory CAUMES

|Copyright Koyoharu Gotoge _ SHUEISHA, Aniplex, ufotable

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I LIVE HERE NOW (2025) – Critique

I LIVE HERE NOW (2025) – Critique

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I LIVE HERE NOW

Cette année, parmi la palette des films en compétition au Festival du Cinéma Américain de Deauville, un long-métrage en particulier a suscité de vives réactions et irritations chez de nombreux festivaliers : I Live Here Now, premier film de Julie Pacino, fille de l’illustre Al Pacino.

Nombreux sont ceux qui quitté la salle en cours de projection, et quelques « bouh » se sont fait entendre à la fin de la séance. Mais cette réaction est-elle réellement justifiée ? Ou bien reflète-t-elle simplement le décalage entre le public de Deauville et celui auquel s’adresse ce type de proposition cinématographique ?

Synospis : Une femme se retrouve piégée dans un hôtel isolé, où les échos violents de son passé prennent vie.

Si l’on devait identifier un dénominateur commun entre les films en compétition cette année, ce serait sans doute la représentation d’une forme de meurtrissure à travers les portraits de ces personnages. I Live Here Now ne déroge pas à cette tendance, mais choisit un angle de vue et une direction artistique radicalement différentes. Plutôt que d’opter pour un drame intimiste et mélancolique, le film s’engage sur une voie plus sombre : celle du cinéma de genre. Il s’agit clairement d’un film fantastique, aux accents horrifiques, qui reprend les codes du cinéma d’horreur.

Pour son premier long-métrage, Julie Pacino va clairement s’affranchir de son héritage familial pour imposer une voix singulière. L’audace est de mise, et le film se détache totalement de toute référence à la filmographie de son père. Cette volonté de distinction est louable, mais elle évoque d’autres univers cinématographiques, notamment ceux de David Lynch ou Dario Argento. Le décor du motel isolé, servant de huis clos psychologique, rappelle Twin Peaks, la complexité narrative évoque Inland Empire, tandis que l’esthétique et la colorimétrie font penser à Suspiria.

La mise en scène stylisée, jouant sur les contrastes visuels et sonores, reflète les tourments intérieurs du personnage principal en explorant ses traumatismes. Le symbolisme est appuyé, parfois même trop, ce qui peut désorienter une partie du public. Le film brouille volontairement les frontières entre cauchemar et réalité, dans une atmosphère oppressante qui déroute le spectateur.

En conclusion, on sent que le film est profondément personnel pour la réalisatrice, et qu’elle cherche avant tout à prouver qu’elle est une cinéaste avant d’être un nom célèbre. Cependant, son approche métaphorique, qui ressemble d’ailleurs plus à un exercice de style, exige une grande ouverture à l’interprétation. Cela va nuire à la subtilité et à la compréhension de son propos. Dommage.

 Par Sébastien NIPPERT

|Copyright Tiny Apples

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BUGONIA (2025) – Critique

BUGONIA (2025) – Critique

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BUGONIA

À moins d’être un fin connaisseur ou un cinéphile quelque peu curieux, le cinéma grec n’est certainement pas le plus connu du grand public. Après un long passage à vide entre les années 1980 et début des années 2000, un renouveau s’opère depuis quelques années, notamment grâce au réalisateur Yorgos Lanthimos.

Multi récompensé dans plusieurs festivals et cérémonies (Cannes, Mostra de Venise, Golden Globes), Lanthimos s’est distingué par une volonté narrative et artistique affirmée de s’éloigner du cinéma conventionnel. Et son dernier long-métrage, Bugonia, ne fait que confirmer cette tendance.

Avec un rythme de réalisation soutenu, un film par an depuis 2023 (Pauvres Créatures en 2023, Kinds of Kindness en 2024, Bugonia en 2025), qui pourrait presque valoir une comparaison avec Quentin Dupieux ou Kiyoshi Kurosawa, le cinéaste grec signe ici un nouvel OVNI cinématographique, aussi surprenant que déroutant, et qui en déstabilisera plus d’un, à commencer par son pitch…

Teddy (Jesse Plemons) et Don (Aidan Delbis), deux jeunes que la vie n’a visiblement pas épargnés, sont convaincus qu’une grande PDG (incarnée par Emma Stone) est une extraterrestre venue détruire la Terre. Obsédés par cette conviction, ils vont alors décider de la kidnapper.

Au-delà de ce scénario à la fois intriguant et absurde, Bugonia est avant tout une œuvre qui va explorer des problématiques contemporaines, telles que le capitalisme, le complotisme ou encore la fracture sociale entre les individus. Des thèmes abordés avec une certaine touche d’humour noir, et flirtant constamment avec les codes du cinéma de genre. L’aspect rationnel et irrationnel du récit entrainera d’ailleurs le spectateur dans un climax qui ne manquera pas de diviser.

Pour ce film, Lanthimos retrouve une nouvelle fois sa muse, Emma Stone, qui livre une prestation remarquable. La performance est d’autant plus impressionnante au vu de la complexité du rôle. On a l’impression que le réalisateur la pousse sans cesse à repousser ses limites. Et dire qu’avec le film Pauvres Créatures, on pensait déjà qu’elles avaient été atteintes. Il serait toutefois injuste de réduire l’acting du film à sa seule performance, tant l’autre protagoniste du film, Jesse Plemons, livre à son tour une prestation très aboutie, en incarnant un personnage certes peu attachant, mais qu’on ne pourra pas pour autant détester.

En conclusion, Bugonia, est un nouveau trip cinématographique aux idées fortes, s’inscrivant parfaitement dans la filmographie du réalisateur. Toutefois, le déséquilibre narratif et un faux rythme par séquences viennent altérer notre sentiment et appréciation globale du film.

Comme chaque nouveau film de Lanthimos est un petit évènement, il faudra attendre la fin de sa tournée en festivals (7 min d’applaudissements à la Mostra de Venise, sélectionné à Deauville, film de clôture au FEFFS), pour  le découvrir en salles dès le 26 novembre prochain.

 Par Sébastien NIPPERT

Copyright Atsushi Nishijima/Focus Features

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SLEEPING DOGS (2025) – Critique

SLEEPING DOGS (2025) – Critique

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SLEEPING DOGS

Synopsis

Ancien inspecteur de la brigade criminelle, Roy Freeman souffre désormais de certains effets de la maladie d’Alzheimer. Alors qu’il suit un traitement contre cela, on lui demande de se replonger dans une ancienne affaire. Dix ans plus tôt, son enquête sur le meurtre du professeur Joseph Wieder avait conduit à l’incarcération d’un suspect, qui clame aujourd’hui son innocence.

Russell Crowe est toujours aussi convaincant. Il porte Sleeping Dogs presque à lui seul. Dans la peau de Roy Freeman, ex-flic rongé par la maladie d’Alzheimer, il livre une performance à la fois brutale et subtile, oscillant entre lucidité et confusion avec une justesse qui rappelle ses grands rôles.

Adapté du roman The Book of Mirrors, le film mise sur une intrigue tortueuse, entre enquête policière et plongée dans les méandres de la mémoire. Les flashbacks s’enchaînent, les perspectives se brouillent, et l’on se surprend parfois à chercher ses repères. L’ambiance, très film noir, est indéniablement réussie, mais risque de perdre certains spectateurs avec un rythme assez lent.

Le traitement de la maladie est l’un des points qui a entraîné le plus de discussions lors de la sortie du film. Les post-it qui envahissent l’appartement de Freeman, les trous de mémoire exploités à des fins dramatiques… Nous sommes dans une représentation de cette maladie plus cinématographique que scientifique, mais elle a un vrai impact scénaristique et ne sert pas qu’à rendre l’enquête plus difficile.

Un rythme inégal, mais une fin qui convainc Il faut avouer que Sleeping Dogs peut être accusé d’avoir un rythme étrange, mais cette façon de raconter l’histoire (notamment avec des points de vue qui peuvent être partiaux) sert vraiment le propos du film. Tout cela se révèle pertinent lors de la conclusion, à la fois très satisfaisante au niveau narratif, mais surtout hautement symbolique, voire philosophique, sur la portée de nos traumatismes et l’enjeu de les affronter ou de les oublier.

En conclusion

En résumé, Sleeping Dogs aura le mérite de marquer les esprits, notamment grâce à son acteur principal et à une ambiance soignée. Un film dont la réflexion finale peut raisonner fortement après le visionnage de cette œuvre.

 Par Gregory CAUMES

|Copyright Paramount Pictures Germany.

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KARATE KID: LEGENDS – Critique

KARATE KID: LEGENDS – Critique

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KARATE KIDS: LEGENDS

Synopsis

Li Fong, un adolescent qui fréquente l’école de kung-fu de M. Han en Chine, doit déménager à New York avec sa mère. Celle-ci souhaite que son fils intègre une école prestigieuse et qu’il mette de côté son sport de combat. À son arrivée dans sa nouvelle ville, Li rencontre Mia, une camarade de classe, ainsi que le père de celle-ci avec lesquels il se lie d’amitié. Li se retrouve ensuite entraîné dans une compétition d’arts martiaux où il doit affronter un redoutable champion de karaté.

Un scénario simple mais efficace et respectueux de l’héritage de la franchise : on sait pourquoi on va voir un Karaté Kid, et son scénario, classique dans son déroulé, amène quand même certaines nouveautés. Surtout, il vient ajouter du lore à la franchise. Là où le scénario est bon, c’est dans sa façon d’être accessible pour les nouveaux venus, tout en permettant de faire avancer certains personnages emblématiques de la saga. Ce film se passe après les films et la série Cobra Kai, mais ne nécessite pas de les avoir vus pour comprendre l’histoire.

Un tournoi film avec brio

Les scènes de compétition sont un vrai régal. La réalisation y déploie une énergie contagieuse, avec des chorégraphies précises et une mise en scène qui donne à chaque combat une intensité palpable. Le crescendo vers la finale, entre tension dramatique et esthétique soignée, prouve que le film maîtrise l’art de marier émotion et spectacle — un sans-faute technique, avec une BO très sympathique en plus.

Des valeurs qui résonnent

Le film aborde avec justesse des thèmes intemporels : la transmission, l’acceptation de soi et le dépassement. Il parvient à célébrer l’héritage de la saga tout en s’adressant à un public large. Alors que beaucoup de films ont tenté — et échoué — de surfer sur des franchises des années 80/90 en trahissant au final l’œuvre originale, Karaté Kid : Legends y arrive parfaitement.

Un casting qui fait mouche

Jackie Chan et Ralph Macchio forment un duo de mentors convaincant, tandis que Ben Wang (Li Fong) apporte une fraîcheur bienvenue. Leur alchimie évite le piège du simple fan service : chaque personnage existe par lui-même, tout en honorant l’esprit de la franchise. On pourrait même avancer que Ralph Macchio trouve une conclusion encore plus satisfaisante que dans Cobra Kai.

L’humour en touche légère

Quelques pointes d’humour, bien placées, aèrent le film sans jamais rompre la tension. Elles humanisent les personnages et ajoutent une dimension attachante à l’ensemble.

Des combats qui ont du sens

Les scènes de combat ne se contentent pas d’être spectaculaires : elles respectent les traditions martiales tout en les réinventant. Chaque affrontement reflète la progression de Li et la philosophie de ses mentors — un choix qui donne de la profondeur à l’action. La franchise se permet même de faire un petit détour par le monde de la boxe, avec un certain brio.

En conclusion

Karaté Kid : Legends réussit son pari : rendre hommage au passé tout en regardant vers l’avenir. Porté par une réalisation inspirée, des valeurs fortes et un casting solide, le film séduit par son élégance et son optimisme. Une suite qui fait honneur à la saga, tout en traçant sa propre voie — et c’est plutôt rare pour être souligné.

 Par Gregory CAUMES

Copyright 2024 CTMG, Inc.

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