K.O. (2025) – Critique

K.O. (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

K.O.

Le film K.O., production originale Netflix, met en vedette le combattant de MMA Ciryl Gane, ancien champion intérimaire UFC, dans son premier rôle principal. Attendu par les fans de MMA à la rédaction de La Minute Ciné comme par les fans des films d’action, ce film est un très bon divertissement rappelant certains films d’action efficaces et simples des années 90.

Synopsis officiel :

Un ancien champion de MMA, Bastien (interprété par Ciryl Gane), vit en recluse après avoir accidentellement tué son adversaire, Enzo, lors de leur dernier combat, trois ans plus tôt. Depuis, Bastien travaille dans une mine de sel et cherche refuge loin des rings. Un jour, la veuve d’Enzo vient le voir : leur fils, Léo, a disparu. Pour tenter de le retrouver, Bastien s’associe à Kenza (Alice Belaïdi), une policière déterminée à faire tomber un redoutable gang criminel de Marseille – impliqué dans la disparition du garçon. Ensemble, ils plongent dans les bas-fonds de la cité phocéenne, affrontant violence et secrets enfouis.

Les atouts du film :

– Des combats efficaces et réalistes : Les scènes de combat sont bien chorégraphiées, intenses et crédibles, sans excès hollywoodiens. Ciryl Gane excelle dans ces moments, et la caméra capture parfaitement le rythme et l’impact des affrontements. On attendait vraiment le film sur ce point-là et on n’est pas déçu. Il n’y a pas trop de scènes d’action mais juste ce qu’il faut.

Une atmosphère sombre et immersive : La réalisation adopte une esthétique froide et clinique tout en jouant parfois avec les néons comme dans un film de la franchise John Wick (le passage en boîte de nuit). Cela renforce le sentiment d’oppression et le chemin désespéré que traverse le personnage.

– Une performance convaincante de Ciryl Gane : Dans son premier rôle principal, Gane démontre un charisme naturel et une présence physique imposante. Bien qu’il ne soit pas un acteur expérimenté, il apporte une humanité touchante à son personnage. Bref, on en redemande.

On peut juste reprocher au film un scénario un peu trop prévisible (mais qui ne déçoit jamais) et des personnages secondaires un peu trop clichés, mais au final, est-ce que ce n’est pas ce que l’on cherche dans ce genre de film ?

En conclusion :

K.O. est un film efficace et bien interprété qui tient ses promesses : une plongée intense dans l’univers de la pègre et une histoire de rédemption. Grâce à l’intensité de Ciryl Gane et à la qualité des scènes d’action, le film satisfait globalement, malgré un scénario convenu. Bref, vivement le prochain film avec Ciryl Gane qui, en plus d’être un grand combattant français, pourrait devenir une valeur sûre du cinéma d’action hexagonal.

 

Par Grégory Caumes

Copyright Laurent Le Crabe/Netflix

NOTRE NOTE

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BALLERINA (2025) – Critique

BALLERINA (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

DE L’UNIVERS DE JOHN WICK : BALLERINA

Présentation générale :

Ballerina est un film d’action américain réalisé par Len Wiseman. Il s’inscrit dans la continuité de la célèbre franchise John Wick en tant que spin-off et se déroule chronologiquement entre les événements de John Wick : Chapter 3 – Parabellum (2019) et John Wick : Chapter 4 (2023). Le scénario est coécrit par Shay Hatten et Emerald Fennell, et le rôle principal est interprété par Ana de Armas.

Synopsis :

Le film suit Eve Macarro, une ancienne danseuse de ballet élevée dans l’univers clandestin du Ruska Roma, une société secrète déjà entrevue dans la saga John Wick. Après l’assassinat brutal de son père adoptif, Eve entreprend une mission de vengeance contre ceux qui ont commandité sa mort. Elle mobilise ses compétences acquises à la fois sur scène et sur le terrain pour traquer les responsables, évoluant dans l’ombre des institutions de l’univers de John Wick, notamment la Table Haute et le Continental.

Ballerina explore plus en profondeur la mythologie de la franchise en mettant en lumière les rouages et traditions d’un des clans les plus intriguant de l’univers.

Une parfaite synthèse des points forts de la saga :

Ballerina peut être vu indépendamment de la saga John Wick, mais les fans seront heureux de retrouver cette ambiance si particulière, le respect du « lore » si important à la franchise, et le retour de personnages emblématiques de la saga. Le film introduit aussi une nouvelle galerie de personnages intéressants et construit sa propre mythologie. Le casting est, comme toujours, impeccable, autant pour les anciens acteurs que les nouveaux venus.

La réalisation est toujours aussi soignée, et le film ne tombe pas dans certains travers des opus 3 et 4, avec des longueurs non nécessaires et des combats superflus. Mieux dosé et tout aussi efficace, en respectant parfaitement son « héritage », Ballerina montre une voie pertinente pour la suite de la saga.

Position dans la franchise John Wick :

Ballerina est considéré comme une interquèle, s’insérant chronologiquement entre le troisième et le quatrième volet principal. Il développe les ramifications de l’organisation Ruska Roma, introduite dans John Wick : Chapter 3, tout en renforçant l’univers global à travers l’introduction de nouveaux personnages, lieux et codes. Le film conserve les codes stylistiques établis par Chad Stahelski, réalisateur des précédents volets : combats chorégraphiés, ambiance néo-noire, esthétique stylisée et narration fragmentée.

En conclusion :

Film ultra-efficace, un pur film John Wick qui évite les longueurs du 3 et du 4. Ana de Armas est vraiment convaincante avec un style de combat qui lui est propre, faisant d’elle non pas un « sous John Wick », mais une proposition vraiment nouvelle avec le retour d’une héroïne forte et sans concession, du niveau de Sarah Connor dans Terminator 2 ou Ellen Ripley dans la saga Alien. Le film se permet même de « sacraliser » encore mieux le personnage de John Wick.

Au final, on est dans l’équilibre classique de la franchise avec 85 % d’action et 15 % de « lore » de l’univers John Wick, tout en étant mieux maîtrisé et avec une identité propre mais respectueuse de la franchise.

 

Par Grégory Caumes

|Copyright LEONINE & Lionsgate & Metropolitan FilmExport

NOTRE NOTE

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HURRY UP TOMORROW (2025) – Critique

HURRY UP TOMORROW (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

HURRY UP TOMORROW

HURRY OP TOMORROW est une odyssée sensorielle, psychologique et personnelle aussi fascinante que déconcertante.

Premier long-métrage de The Weeknd (Abel Tesfaye) en tant qu’acteur principal, Hurry Up Tomorrow est un thriller psychologique réalisé par Trey Edward Shults (Waves, It Comes at Night). Le film accompagne l’album du même nom, dernier chapitre d’une trilogie musicale entamée avec After Hours et Dawn FM. Il s’agit d’un projet « ambitieux mêlant musique, introspection et esthétique expérimentale » comme le déclare l’artiste. Et soyons clair, oui c’est un parti pris artistique audacieux, qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui nous a convaincu à la rédaction.

Les points forts :

Une direction artistique audacieuse : Le film séduit par ses visuels stylisés, ses jeux de lumière et sa mise en scène immersive. La bande-son, co-composée par The Weeknd et Daniel Lopatin (Oneohtrix Point Never), enveloppe l’ensemble d’une atmosphère à la fois déconcertante, envoûtante, parfois horrifique mais toujours percutante.

Une performance notable de Jenna Ortega : Dans le rôle d’Anima, une fan obsessionnelle, Ortega livre une interprétation intense. Elle est clairement l’atout numéro 1 du film et démontre à quel point elle peut tout jouer.

Une exploration thématique intéressante : Le film aborde clairement le thème de la souffrance psychique, de la solitude et est une vraie remise en question de l’artiste. La prise de risque de Abel Tesfaye est vraiment à noter.

Ce qui peut décontenancer les fans du chanteur :

• Un scénario à la narration non linéaire qui laisse une grande place à l’interprétation
• Une forme d’autodestruction de l’image du chanteur
• Un rythme et un style très hétérogènes
Si à la rédaction nous saluons l’audace de faire un tel film, certains fans du chanteur – venant chercher une sacralisation de l’artiste – peuvent être déconcertés.

En conclusion :

Hurry Up Tomorrow est une œuvre ambitieuse qui brille par sa direction artistique et sa bande-son immersive. C’est une vraie prise de risque qui est à saluer. Même si une narration plus claire aurait peut-être permis une meilleure immersion, Hurry Up Tomorrow est au final une œuvre sans concession frôlant entre l’égo-trip, la décompensation psychiatrique et une œuvre de rédemption. Au final, une vraie œuvre de cinéma.

 

Par Grégory Caumes

|Copyright Lionsgate & Metropolitan FilmExport

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LITTLE JAFFNA (2025) – Critique

LITTLE JAFFNA (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

LITTLE JAFFNA

Synopsis :

Le quartier de « Little Jaffna » à Paris est le cœur d’une communauté́ tamoule vibrante, où Michael, un jeune policier, est chargé d’infiltrer un groupe criminel connu pour extorsion et blanchiment d’argent au profit des rebelles séparatistes au Sri Lanka. Mais à mesure qu’il s’enfonce au cœur de l’organisation, sa loyauté́ sera mise à l’épreuve, dans une poursuite implacable contre l’un des gangs les plus cachés et puissants de Paris.

La critique :

Little Jaffna est une réussite totale à tous les niveaux et est clairement déjà un incontournable de cette année 2025. Les raisons sont nombreuses pour aller voir ce film et nous allons essayer de vous en donner les principales.

Une réalisation parfaitement maîtrisée :

Le film est beau, intense, parfois dur et cru, mais toujours de façon justifiée. On passe de plans oniriques à des passages plus « terre à terre » criants de réalisme. Le réalisateur maîtrise parfaitement ce genre de film policier tout en apportant une « patte visuelle » en parfait accord avec le thème. Lawrence Valin, le réalisateur et acteur principal du film, est clairement un virtuose de l’image et il est particulièrement généreux dans le cadeau qu’il nous offre avec Little Jaffna.

Un casting impeccable :

Le casting est irréprochable et l’écriture des personnages est parfaite. À la fois attachants, durs, horribles, la palette d’acteurs joue avec nos émotions tout au long du film et nous déstabilise dans nos idées préconçues.

Un scénario qui nous plonge dans la communauté tamoule pour nous délivrer un message essentiel :

Le scénario est prenant du début à la fin et nous ne vous dévoilerons pas la conclusion, mais elle est puissante et touchante.

En conclusion :

Little Jaffna est une vraie réussite et c’est un incontournable de cette année 2025.

 

Par Grégory Caumes

Copyright Guy Ferrandis

NOTRE NOTE

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LE JOUEUR DE GO (2025) – Critique

LE JOUEUR DE GO (2025) – Critique

Fiche technique :

Notre avis sur le film

LE JOUEUR DE GO

Avant-propos :

Dire que nous attendions ce film à la rédaction de la Minute Ciné était un euphémisme et, clairement, cette attente était méritée : le film est une réussite du genre.

Synopsis officiel :

Ancien samouraï, Yanagida mène une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d’utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation…

La critique :

Le Joueur de Go est un film qui se distingue par son élégance et sa profondeur, offrant une expérience cinématographique riche et immersive. Ce long-métrage, qui explore le monde des samouraïs mais aussi celui du jeu de go, pose une question fondamentale : le respect à outrance d’un code de conduite strict est-il au final synonyme d’une vie juste ? La réponse à cette question est à la fois forte et touchante.

Réalisation et mise en scène :

La réalisation est d’une finesse remarquable. Chaque scène est méticuleusement composée, avec une attention particulière portée aux détails visuels. La direction artistique est soignée, utilisant des couleurs et des textures qui reflètent les émotions et les états d’esprit des protagonistes en respectant vraiment les codes japonais pour ce genre d’œuvre. Cette réalisation, qui prend son temps, passe de l’intimiste à l’épique en peu de temps. Toutefois, ne cherchez pas dans ce film un ersatz de film d’action hollywoodien, car, dans la pure tradition des films japonais de genre, les combats sont rares mais particulièrement impactants.

Interprétation et personnages :

L’ensemble du casting est de très bon niveau. L’écriture des personnages, surtout les plus ambigus, permet vraiment d’interroger la droiture du personnage principal et son impact sur ses proches.

En conclusion :

Réalisation soignée, film crépusculaire, action rare mais maîtrisée et sublimation du jeu de go pour délivrer un message touchant, Le Joueur de Go est dans la lignée des meilleurs films d’Akira Kurosawa et ravira les fans du genre et touchera particulièrement les amoureux de la culture japonaise.

 

Par Grégory Caumes

Copyright 2024 “GOBANGIRI” FILM PARTNERS

NOTRE NOTE

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Interview & Critique de LIRE LOLITA À TÉHÉRAN

Interview & Critique de LIRE LOLITA À TÉHÉRAN

Fiche technique :

INTERVIEW du réalisateur du film

 

LIRE LOLITA À TÉHÉRAN

Nous avons eu la chance d’interviewer Eran Riklis, le réalisateur du film. La critique sera donc courte car les messages délivrés par Eran Riklis sont bien plus importants. Nous pouvons juste dire que ce film est une réussite absolue et nous vous conseillons vivement d’aller le voir.

Synopsis du film :

Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.

Fast critique du film :

Lire Lolita à Téhéran est peut-être le film le plus important de ces 10 dernières années. La réalisation forte et soignée de Eran Riklis ainsi que les formidables actrices de ce film portent un message féministe particulièrement nécessaire à notre temps. Ce film rappelle que la banalisation de l’horreur peut s’installer à tout moment et qu’en ce moment encore les femmes souffrent atrocement en Iran. Un film fort, courageux et nécessaire.

Question :

Qu’est-ce qui vous a convaincu de réaliser ce film, compte tenu de la sensibilité et de la difficulté du sujet ? De nombreux réalisateurs auraient pu choisir de ne pas aborder un sujet aussi risqué.

J’ai rencontré Azar Nafisi, l’autrice du roman autobiographique du même nom à Washington. Cet échange m’a convaincu de devoir raconter son histoire au cinéma. Et je suis revenu avec les droits de l’œuvre. J’étais déterminé à réaliser ce film mais il m’a fallu six ans pour tout mettre en place, notamment pour trouver le financement.

Ce qui m’a convaincu est le fait même si c’est une histoire iranienne, c’est finalement une histoire universelle. Je pense que ça peut toucher tout le monde, presque toutes les sociétés, surtout aujourd’hui où le monde devient fou. Il fallait raconter cette histoire. Au final je n’ai pas senti que je faisais quelque chose d’exceptionnellement courageux. Je me suis juste dit que raconter cette histoire était logique au regard de mes œuvres passées.

Question :

Il y a des actrices formidables dans ce film. Comment les avez-vous dirigées pour qu’elles soient aussi impactantes, même celles qui ont peu de présence à l’écran ?

Eh bien, je vais vous dire deux choses. Premièrement, il m’a fallu deux ans pour faire le casting parce que j’ai décidé dès le début que je ne prendrais que des Iraniennes, c’est leur histoire. J’ai eu de la chance parce que vraiment, si vous allez à Berlin, Paris, Londres, New York, Los Angeles, vous avez beaucoup, beaucoup d’actrices iraniennes, d’exilées iraniennes, mais des Iraniennes et évidemment des actrices de grande qualité. Je savais dès le début que je voulais Golshifteh Farahani pour le rôle principal parce que je la connaissais, mais ce n’était pas facile parce qu’elle n’avait jamais tourné de film en farsi depuis qu’elle avait quitté l’Iran. C’était donc un vrai défi pour elle, un défi émotionnel. Évidemment, elle a réussi avec brio.

Pour les autres, j’ai passé beaucoup de temps à faire et refaire des auditions. Et finalement, j’ai trouvé vraiment toutes ces actrices formidables. Je suis très pointilleux sur le jeu d’acteur. Pour moi, même si un acteur frappe à la porte, entre, donne le café et s’en va, il doit être bon parce que si quelque chose est faux dans les performances, ça ne marche pas et ça dérègle tout le film. Et puis en termes de travail, nous avons travaillé très étroitement. Nous sommes allés à Rome où nous avons tourné et elles sont venues pour deux semaines de travail intense avant le tournage. Et aussi pendant le tournage, j’étais là. J’étais là avec elles.

Un point aussi qui a rendu leur interprétation crédible est le fait qu’elles étaient aussi très proches les unes des autres. Cela a créé un groupe de personnes qui voulaient jouer ces rôles et qui voulaient être ensemble.

Question :

Pourquoi le choix de Rome pour le tournage ?

Parce que j’essayais de trouver de l’argent en Amérique, en France, en Allemagne, où habituellement mes films sont financés et tournés, mais personne ne voulait faire ce film. Et j’étais à Rome en 2021, pour un petit festival, et il y avait une petite conférence sur les coproductions, et je me suis mis à parler de ce projet de film. Alors deux producteurs italiens sont venus me voir et m’ont dit : « Wow, nous adorons ce livre. Nous adorons l’histoire. Nous adorons vos films. Pouvons-nous être impliqués ? » Et j’ai dit, d’accord.

J’étais dubitatif sur le lieu au départ mais au final Rome est une grande ville et comme toutes les villes du monde, vous pouvez trouver des endroits qui correspondent à Téhéran. J’ai fait beaucoup de recherches sur Téhéran, donc je savais ce que je cherchais. Et aussi, d’une manière intéressante, l’architecture à Rome est similaire à beaucoup de choses. Par exemple, l’Université de Rome ressemble vraiment à l’Université de Téhéran.

Et bien sûr, c’est un film. Vous changez des choses, vous ajoutez des choses. J’ai réussi à trouver des images de Téhéran des années 80 et à adapter le lieu de tournage. Au final c’était une grande expérience.

Question :

Dans votre film, nous sommes témoins de la normalisation de l’horreur dans la vie quotidienne. Comment avez-vous choisi d’introduire ce sens du temps et ce changement progressif dans votre histoire ?

Le pays change, la ville change, les femmes changent. Tous ces éléments étaient difficiles à retranscrire au début. Mais au final, j’ai suivi la logique des chapitres du livre et surtout j’ai calqué le découpage du film sur les livres étudiés par le groupe de femmes. Vous avez Lolita, vous avez Gatsby le Magnifique, vous avez les quatre livres. Au final, je raconte une histoire qui reflète ce qu’elles lisent. C’est comme ça que ça a commencé pour moi. Et puis la chronologie est devenue moins importante. Vous savez, il y a beaucoup de débats. J’ai beaucoup de conversations avec les gens. Parfois, ils disent : Oh, c’est difficile de passer de 1980 à 1995 et puis de revenir en arrière. Mais pour moi, c’est un voyage dans la vie de ces personnes. Donc, le temps, à la fin, le seul temps qui compte, c’est le temps de la conclusion et du final.

Question :

Quel est au final le message du film ? Son but ?

J’essaie de faire des films démocratiques. Donc, je peins le tableau, mais ensuite je fais confiance au public pour regarder le film et prendre ses propres décisions, je leur tente juste de leur donner les clefs de compréhension et je fais confiance au public. Je pense que si quelqu’un vient et ne se soucie pas des femmes iraniennes avant le visionnage, peut-être que le film lui fera changer d’avis.

Mais au final pour moi, bien sûr, c’est un film politique et social. Et oui, ce film est avant tout à propos des femmes, de la lutte féministe, de la lutte contre l’oppression, de vraiment beaucoup d’éléments, mais je les mets juste là et laisse le spectateur en tirer ses propres enseignements.

Ma priorité est de permettre au public de faire sa propre opinion. Pour moi, je pense qu’à la fin, j’essayais avant tout de raconter une bonne histoire. Je pense que si vous racontez une bonne histoire, alors les messages viennent de toute façon.

Question :

Avez-vous, à un moment donné, eu l’idée de raconter l’histoire au présent ?

Oui, je pensais que cela pourrait être intéressant, mais cela pourrait aussi être une erreur parce que si vous le faites aujourd’hui, les éléments récents peuvent après fausser votre message. Quand vous revenez en arrière, d’une certaine manière, c’est plus facile pour vous de dire que si cela s’est passé alors, cela se reflète facilement aujourd’hui.

Donc, je suis resté avec cette époque parce que je pense que c’est une période cruciale. Vous avez une révolution dans un pays qui, jusqu’en 1979, était aussi un pays compliqué, avec le Shah, la corruption… Mais au final c’était comme un pays occidental d’une certaine manière et raconter cette transition est vraiment pertinente.

Mais d’un autre côté, je pense que grâce au casting, qui est composé de jeunes femmes iraniennes modernes, cela rend la transition plus facile, vous regardez quelque chose qui se passe dans les années 80, et vous ne le ressentez pas vraiment parce que le film n’est pas comme un film américain où vous devez voir les clichés de cette époque américaine, non le film à un côté intemporel qui pourrait presque vous faire croire que c’est le Paris d’aujourd’hui.

Question :

Pensez-vous que la société iranienne a beaucoup évolué depuis les années 80 jusqu’à aujourd’hui ou les bases sont-elles restées les mêmes ? C’est une question délicate, nous en convenons.

C’est une question délicate parce que je pense qu’elle a certainement évolué parce qu’il y a une nouvelle génération. Une partie de cette société a en effet évolué, nous le savons parce qu’il y a des exilés, qui sont actifs en dehors de l’Iran, et certains d’entre eux sont actifs en Iran aussi. Nous connaissons des cinéastes, nous connaissons beaucoup d’autres personnes qui essaient de résister à ce régime. Mais c’est intéressant, je me souviens il y a deux ans, j’étais ici à Paris, quand la révolte a pris une ampleur nouvelle et nous avons pu assister à des conférences de femmes iraniennes activistes qui essaient de changer la réalité en Iran aujourd’hui. Mais quand j’étais plus jeune, je faisais aussi cela. Ma mère le faisait aussi. Donc, je pense qu’il y a une continuité dans la lutte.

Et aussi, je peux imaginer que beaucoup de personnes qui combattent le régime, si elles étaient en vie pendant la période du Shah, elles seraient probablement contre le Shah.

Au final le peuple iranien souffre d’une image de pays totalement extrême et dont on oublie la grande histoire. Car en réalité, la Perse a une histoire ancienne incroyable. La culture est incroyable dans ce pays, mais surtout les gens sont incroyables. Nous parlons de 80 millions de personnes. Donc, je pense que comme beaucoup d’endroits, il y a ce que vous voyez habituellement à travers les médias et ce que vous apprenez vraiment. Je pense que la raison pour laquelle je fais des films, c’est vraiment d’essayer d’aller au-delà des gros titres de CNN et de délivrer une image des gens qui peuplent cette nation. Les gouvernements passent, le peuple reste.

Question :

Mais avez-vous subi des pressions pendant le tournage ou avant le tournage, ou aviez-vous peur que cela puisse arriver ?

La seule chose dont j’avais un peu peur, c’était pour mes actrices. Parce que Golshifteh Farahani (l’actrice principale) est une figure publique, et parfois elle effectivement a reçu des menaces et elle a été incroyablement courageuse.

Sur la pression concernant le financement, le fait qu’il soit italien et israélien a permis de réaliser le film dans un contexte sécurisé. Au final, s’ils ont investi, c’est parce qu’ils croyaient en l’histoire. Non, sur moi il n’y avait pas de pression. Je pense que la seule pression que j’avais vraiment était d’être précis. Parce que, bien sûr, nous tournons toujours à Rome et je ne suis pas iranien, donc je dois être très prudent sur les détails. Je suis devenu obsessionnel que ce sujet de crédibilité. La véracité historique des détails paye toujours…

Et je vais vous raconter une anecdote amusante sur mon obsession du détail. Dans les derniers jours du tournage, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une erreur. C’est une histoire amusante parce qu’à l’université, il y a un panneau sur lequel il est écrit : Une faculté de littérature et d’humanités. C’était écrit en farsi, en farsi et en anglais. Et nous l’avons fait. C’était très précis et tout. Et sur le plateau, pendant que je tournais, un figurant iranien est venu me voir et m’a dit : Vous savez quoi ? Il y a une petite erreur en farsi. Une lettre n’est pas comme elle devrait être. J’ai dit, oh mon Dieu. Qu’est-ce que je vais faire ? Puis, honnêtement, j’ai dit, d’accord, nous allons tourner. Nous allons réparer ça plus tard. J’ai oublié. Puis quand j’étais en postproduction, heureusement, d’une manière amusante, la personne en charge des effets visuels à Rome – qui est iranienne a dit : Oh, il y a une erreur. Elle l’a réparée. Ce sens du détail de l’ensemble de l’équipe est pour moi un point important et au final la plus grande pression que je pouvais me mettre pour respecter le pays et son histoire.

Question :

Donc au final, au niveau du financement du film, ce fut plutôt simple et sécurisé ?

Je pense que oui. Mais je pense qu’à la fin, c’est comme tous les films, c’est un pitch. Je suis allé voir mon investisseur israélien qui ne lit pas directement le scénario mais qui préfère que je lui raconte l’histoire directement. Et là il dit oui ou non tout simplement. Il dit oui ou non. Donc, je suis allé le voir et je lui ai dit : C’est une histoire sur sept femmes qui lisent des livres subversifs à Téhéran, des livres qui ne sont pas autorisés par le régime des mollahs. Et à ma grande surprise, il a adoré. Et il l’a vraiment adoré. Et il a dit : Wow, ça a l’air d’une histoire géniale. Et je pense que c’est comme ça que j’ai réussi à le faire, en convainquant les gens que c’est une bonne histoire. Je ne dis même pas une histoire importante. C’est une bonne histoire. Et c’est d’actualité parce que je pense vraiment, comme nous l’avons dit, c’est dans les années 80, mais c’est aussi maintenant. Cela sera probablement aussi pertinent demain. Je dois vraiment dire que je n’ai rencontré aucun problème politique, sauf si vous ouvrez Instagram ou X et que vous regardez les commentaires. Nous avons une bande-annonce qui tourne sur Instagram. J’étais étonné parce que maintenant, elle a environ 4,5 millions de vues. Wow. Incroyable. Incroyable. Grâce à Golshifteh Farahani, parce qu’elle a 17 millions de followers. J’ai regardé les commentaires et il y en a beaucoup en farsi, donc je les ai traduits. Ensuite, vous voyez des mélanges. Je dirais que 60 % disent : Golshifteh Farahani, tu es la reine. Tu es la plus belle femme et talentueuse femme au monde. Et malheureusement 35 % disent : Tu es une garce. Tu es une femme horrible. Tu es une traîtresse. Et 5 % sont contre moi. C’est comme, oh, c’est moi, c’est le réalisateur. Qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi raconte-t-il l’histoire de l’Iran ? Maintenant, vous regardez ça et vous réalisez que même si vous ne pouvez jamais savoir, probablement la moitié de ces réactions viennent de Téhéran et probablement du gouvernement. Mais je pense qu’il y aura probablement beaucoup de controverses au sein de la communauté iranienne, certainement en Iran, mais le film ne sera jamais montré là-bas malheureusement, car au final le débat aurait du bon.

Question :

Quels sont vos prochains projets ?

Je développe une petite histoire. Ça s’appelle Dog. C’est basé sur un livre d’un écrivain israélien, pas célèbre, qui a souffert de stress post-traumatique. Il a servi dans une unité spéciale de l’armée, et il a souffert de stress post-traumatique à cause de Gaza, mais il y a 15 ans, pas maintenant. Et il a écrit un livre sur quelqu’un qui revient de Gaza. Mais il n’arrive pas à vraiment « revenir » et il finit dans la rue comme un sans-abri, et il va vraiment, vraiment mal, et sa vie est presque finie, et puis il rencontre un chien. Mais ce chien lui sauve la vie. C’est lié aux chiens à Gaza. Donc, c’est une petite histoire. Je l’adore. Je pense que je vais le faire. On verra.

 Un grand MERCI à Eran Riklis de nous avoir accordé cet interview. 

Le film sort au cinéma le 26 mars 2025

Propos recueillis par Gregory Caumes

|Copyright photos Metropolitan FilmExport

NOTRE NOTE

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